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Tristane Banon : « Jusqu’à la fin, je serai celle qui a porté plainte »

S’il y a une personne chez qui l’affaire Denis Baupin, accusé de harcèlement sexuel, a une résonance tout particulière, c’est bien elle. En 2011, l’auteure Tristane Banon portait plainte pour agression sexuelle contre Dominique Strauss-Khan. Est-ce que les choses ont changé depuis ? Pourquoi les femmes attendent-t-elles si longtemps avant de réagir ? Nous avons voulu entendre sa voix…

Flashback
« Depuis que cette nouvelle affaire est sortie, j’ai l’impression de revivre ce qui s’est passé en 2011. J’entends exactement les mêmes réflexions, notamment à propos de complot. Je pense que les gens confondent trop facilement complot et opportunisme. Je ne sais pas si ces huit femmes qui parlent aujourd’hui sont instrumentalisées ou pas, si, derrière, il y a une volonté de nuire au ministre Emmanuelle Cosse, la femme de Denis Baupin, ou aux Verts, mais quoi qu’il en soit cela ne change pas qu’il y a eu, au départ, un fait délictueux. Cela n’exonère en rien l’acte qui est à l’origine. Mais si la société reste toujours aussi suspicieuse, les médias, eux, ont fait un pas en avant. Le curseur avance. A l’époque, les mois qui ont suivi ma plainte, je me suis fait insulter. Dans la presse on s’interrogeait sur la raison qui m’avait poussée à attendre si longtemps pour porter plainte, on allait même jusqu’à se demander si je ne faisais pas ça pour me faire connaître ! Heureusement, aujourd’hui, il n’y a plus cette défiance. »

La difficulté de porter plainte
« Moi je ne regrette pas de ne pas l’avoir fait tout de suite, parce que, il y a 12 ans, je pense que je me serais fait laminer ! C’est très difficile de parler de questions sexuelles ou d’actes déviants car, en France, ce genre de sujet est banalisé, relativisé. Après tout, ce n’est pas si grave, ce ne sont que des histoires de cul ! Quand on porte plainte, on est un peu considéré comme la mère la pudeur. Et c’est encore pire dans un milieu politique qui est à dominance masculine. Se positionner en victime demande du courage. D’autant qu’après, jusqu’à la fin de ses jours, on est souvent réduit à cela. Même si on a le soutien du tribunal médiatique, populaire, voire du tribunal tout court, il va falloir assumer. Toute leur vie, chaque fois qu’elles prendront la parole, ces 8 femmes resteront celles qui ont dénoncé les faits contre Denis Baupin. Tout comme moi je reste celle qui a porté plainte contre DSK. Il y a toujours ce regard sur vous. Ce n’est pas facile. »

Ce qu’il faudrait changer
« Je fais souvent un parallèle avec un cambriolage : quand ça vous arrive, votre premier réflexe est de remettre tout en ordre, de chercher à gommer ce qui s’est passé, de faire comme si cela n’avait pas existé, mais pour être remboursé par l’assurance, vous devez porter plainte. Je pense que si c’était le cas pour les femmes, s’il y avait un système mis en place pour prendre en charge les frais médicaux, le suivi psychologique, peut-être que cela motiverait les dépôts de plainte. Sans compter que la condamnation, dans une affaire d’agression sexuelle, est très compliquée à obtenir. La loi est telle qu’il est quasi impossible de prouver une tentative de viol. Quand on dit aujourd’hui que DSK a été bien puni, il l’a été, certes, par la société, les médias, mais pas par le tribunal.
On nous explique qu’il faut porter plainte, mais que ce n’est pas sûr que cela aboutisse et que nous serons regardées de travers toute notre vie… Tant qu’il en sera ainsi, les femmes se diront toujours qu’elles ont plus à perdre qu’à gagner. Pourtant, la seule façon de se reconstruire passe justement par le fait de porter plainte. Moi qui suis maman et heureuse aujourd’hui, j’en suis bien la preuve ! »

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