A l’affiche ce mercredi de “La Belle et la belle” avec Sandrine Kiberlain et Agathe Bonitzer, Melvil Poupaud poursuit une carrière avec des choix exigeants, cultivant un goût certain pour les voyages de cinéma. Nous nous sommes entretenus avec lui.
1. Melvil Poupaud dans La Belle et la belle (2018)
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Melvil Poupaud, séducteur sans âge, entre Sandrine Kiberlain et Agathe Bonitzer dans “La Belle et la belle” de Sophie Fillières à l’affiche ce mercredi.
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© Claire Nicol / Christmas In July
S’il est question d’aventure pour Melvil Poupaud dans La Belle et la belle, elle serait plutôt amoureuse, jouant l’amant idéal, presque sans âge, séduisant à la fois Sandrine Kiberlain et Agathe Bonitzer, un même personnage de deux générations différentes.
Charmeur, régulièrement séducteur au cinéma, souvent aventurier, Melvil Poupaud cultive avant tout, à l’écran, les aventures de cinéma, le goût du voyage dans le monde (et dans les époques), dont la filmographie exigeante l’a emmené aussi bien au Portugal, en pleine mer pour Fidelio, ou plus récemment en Chine pour Le Portrait interdit.
Nous nous étions justement entretenu longuement avec Melvil Poupaud à l’occasion de la promotion du Portrait interdit sorti en décembre dernier, toujours l’affiche de quelques salles (en attendant une prochaine sortie en DVD).
Le portrait interdit : tournage épique pour cette fresque historique avec Fan Bingbing et Melvil Poupaud
Alors que cette année 2018 s’annonce chargée pour Melvil Poupaud, entre une série pour TF1, un film avec Isabelle Huppert le plongeant dans le milieu de la fête des années 70, le tournage du nouveau François Ozon et même une parenthèse musicale aux côtés de Benjamin Biolay, nous vous proposons de découvrir cet entretien que nous avons eu avec lui, axé avant tout sur son goût pour l’aventure et les voyages.
AlloCiné : Vous avez une filmographie intéressante qui laisse transparaitre un goût du voyage…
Melvil Poupaud : C’est vrai que je profite aussi un peu pour vivre une expérience un peu totale, de vie, de rencontres. [Pour Le Portrait interdit], travailler avec des Chinois, apprendre une autre langue, jouer dans une autre langue. Ce film avait quelque chose de presque expérimental pour moi, découvrir une façon de faire des films.
Cela dépend des tournages, des réalisateurs. J’aime bien les voyages, j’aime bien aussi le fait de tourner à l’extérieur de chez moi. Cela fait qu’on est complètement immergé dans un autre monde. On vit à l’hôtel, on mange tout seul ou avec des gens de l’équipe. On quitte un peu son confort et sa famille, pour rentrer dans un autre univers. Cela aide aussi à s’investir un peu plus dans le personnage quand on coupe les ponts avec son quotidien.
Ensuite, de plus en plus, je me rends compte que de rentrer dans un personnage, c’est déjà un voyage en soi. Tu quittes ta propre personne, pour te transformer, devenir quelqu’un d’autre. Il est là le vrai voyage. Après, il y a des éléments qui aident à aller plus loin dans ce processus, mais ce n’est pas forcément en partant au fin fond de la Chine qu’on va être un meilleur acteur.
Je viens de faire une série à Lyon [Insoupçonnable, avec Emmanuelle Seigner, adapté de la série The Fall, Ndlr.], un énorme tournage. J’ai d’ailleurs écrit sur ce tournage, j’en ferai peut être quelque chose. C’était un voyage beaucoup plus intérieur. C’était génial à tourner, c’était vraiment passionnant. Pour mon travail d’acteur, c’était un des trucs les plus intéressants que j’ai fait.
Pourquoi ?
Déjà parce que c’était une série, 8 mois de tournage, avec énormément de scènes. Il y a 10 épisodes donc beaucoup beaucoup de scènes pour développer son personnage, qui lui même passait par plein de périodes et facettes différentes. C’est un personnage lui-même très complexe, avec une facette bien sous tout rapport, un côté très très sombre, et au milieu plein de nuances. Et puis, il y avait quelque chose de mental assez fort. C’est très bien écrit. Je me suis bien entendu avec l’équipe.
Quand j’étais petit, les films de Raoul Ruiz étaient de grands voyages
Dans toute votre filmographie, si vous deviez retenir quelques rôles qui vous ont fait le plus voyager, lesquels évoqueriez-vous ?
C’est dur, car parfois, c’est seulement a posteriori qu’on se rend compte de l’importance qu’a eu un rôle dans sa vie. Quand j’étais petit, les films de [Raoul] Ruiz étaient de grands voyages. Déjà, ça se tournait au Portugal. J’étais tout seul, enfant, au milieu d’une équipe que je ne connaissais pas. J’étais un peu livré à moi-même. On a fait un film qui s’appelait L’Ile aux trésors, qui est l’histoire d’un petit garçon qui se retrouve embarqué à la recherche d’un trésor. C’est adapté d’un roman de Stevenson. J’avais moi-même l’impression d’être un peu ce personnage, au milieu des adultes. En plus, c’était les années 80. Ce n’était pas le même système qu’aujourd’hui. Les tournages étaient beaucoup plus expérimentaux, plus bizarres. Aujourd’hui, les choses sont beaucoup plus cadrées, donc oui, il y avait cette dimension d’aventure. J’ai des souvenirs fantastiques, j’assistais à des scènes de délire, il y avait des morts… Tout ce que je raconte un peu dans mon premier bouquin [Quel est mon NoM, édité chez Stock en 2011].
Après du point de vue de l’interprétation, j’ai adoré Xavier Dolan, Laurence Anyways. C’était très intéressant. Xavier avait le rôle parfaitement en tête. Il savait exactement ce qu’il voulait. Je suis arrivé un petit peu au dernier moment, donc je me suis laissé vraiment guider. J’étais vraiment au service de Xavier. J’écoutais, j’essayais de faire au plus près de ce qu’il voulait. C’était encore une autre expérience. Il était aux manettes.
Ce qui est sûr, c’est que j’ai besoin d’être dirigé, d’avoir quelqu’un qui sait vraiment communiquer son idée, sa vision du film. Il y a des acteurs qui prennent le pouvoir quasiment avec leur idée : « c’est ça qu’il faut faire ». Moi j’écoute et j’essaye de faire au mieux ce que le metteur en scène me demande. Pour ça, il faut que le metteur en scène ait une idée assez forte, claire de sa vision du personnage.
J’ai besoin d’être dirigé, d’avoir quelqu’un qui sait vraiment communiquer son idée, sa vision du film
Ca vient du fait, justement, que quand j’étais petit, [Raoul] Ruiz avait une vision de mise en scène très précise, et comme j’étais enfant, c’est lui qui me dirigeait. J’ai appris avec cette idée que le metteur en scène était un peu le chef, et moi mon but, c’était de le servir, lui faire plaisir au maximum. Ca vient aussi de la politique des auteurs : l’idée qu’un metteur en scène est comme un artiste, c’est lui qui a le film en tête et on est tous au service de sa vision, ce qui est très différent d’une perspective hollywoodienne. Et même une perspective que j’ai expérimenté l’année dernière et donc je suis un peu en train d’évoluer, par rapport à la télé : c’était plus comme de travailler pour un studio. Il y a la chaine, le scénario qui est déjà là, les metteurs en scène et les acteurs sont choisis après. J’avais l’impression vraiment de faire partie d’une équipe. J’ai bien aimé ce travail d’équipe moins centré sur le réalisateur.
Isabelle Huppert retrouve Eva Ionesco pour Une jeunesse dorée
Là je suis en train de faire un film qui me passionne [Une jeunesse dorée d’Eva Ionesco] avec Isabelle Huppert, qui se passe fin des années 70. Ca parle totalement d’une autre époque. On se rend compte à quel point ce n’est pas si loin et en même temps, c’est vraiment un autre monde. Ca se passe dans les années du Palace, Paris. Une forme de décadence. Je joue un écrivain un peu raté, très dandy, qui se drogue, qui boit. Il y a plein de scènes d’orgies. A jouer, c’est génial : l’ivresse, la drogue. Là aussi, c’est une forme de voyage ! Vous êtes dans un autre monde. A l’époque, c’était une esthétique.
On faisait des choses qui aujourd’hui sont répréhensibles, mais on les faisait avec classe, et tout le monde trouvait ça fantastique. C’est drôle aussi de voyager comme ça dans le temps. Même si c’est une époque que je n’ai pas connue car j’étais trop petit, j’ai quand même grandi avec cette liberté qu’il y avait avant le SIDA, avant que tous ces gens ne meurent. Fin des années 70, il y a eu un grand moment de fêtes. Les gens étaient beaucoup plus lâchés. La danse, le disco. Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’époque est beaucoup plus stricte, moins festive.
Rohmer, c’était un voyage très doux, à Dinard. C’était un peu à l’image du film
[Eric] Rohmer, c’était un voyage très doux, à Dinard [pour Conte d’été]. C’était un peu à l’image du film. Voyager dans la façon que Rohmer avait de faire des films. C’est à dire très artisanal, en famille, avec un petit groupe de personnes. A vrai dire, chaque film est un voyage. Il y a des films qui m’ont laissé très peu de souvenirs, mais je n’en parlerai pas.
On vous a moins vu dans des films “mainstream”, très grand public. Il y a par exemple Lucky Luke dans lequel vous avez tourné. Que retenez-vous de ce genre d’expérience, à nouveau sur le plan du voyage ? Cela apporte-t-il aussi sur le plan de la notoriété par exemple ?
Non, non. Il se trouve que Lucky Luke, c’était aussi un bon voyage car c’était en Argentine. Là je n’ai pas tenu un carnet de bord [comme pour Le Portrait interdit], mais j’avais un scénario d’un film que je devais tourner à l’époque, que je n’ai pas tourné, qui se passait à Buenos Aires, sur Marcel Duchamp. Pendant tout le tournage de Lucky Luke, j’avais cet autre scénario, et je dessinais dessus, et j’en ai fait une espèce de pop up book. C’est ça qui m’a occupé pendant le tournage de Lucky Luke.
Les gros films, c’est beaucoup plus d’attente. C’est comme Le Portrait interdit de Charles de Meaux, c’était un gros budget. Plus d’attente, plus de temps à se faire ch***, moins de scènes à tourner par jour. C’est un autre truc, mais ça peut être de bonnes expériences aussi. Quand j’avais tourné L’Amant quand j’étais petit, c’était un voyage fantastique au Vietnam.
C’est une question de rythme : plus le film est gros, plus c’est lent, plus tu t’ennuies. C’est quand même une réalité. D’ailleurs je ne sais pas ce que font les acteurs. Il y a plein d’acteurs qui font juste attendre. Ils attendent. D’ailleurs, il y a une certaine volupté car tu es complètement décomplexé du fait de ne rien faire : tu es au travail, mais tu n’as pas à travailler car tu es juste dans ta loge à attendre. Parfois, juste d’attendre comme ça pendant 2 heures, sans rien faire, ça peut être sympa.
Il y a une certaine volupté à attendre sur un tournage
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Si tu fais trop de choses, ça peut te déconcentrer. Je lis beaucoup en dehors des tournages, mais sur un plateau, je ne lis pas trop parce que tu plonges quand même dans un autre truc, et tout à coup, c’est à toi de jouer, tu dois te remobiliser sur ce que tu es en train de faire vraiment. Juste attendre, sans rien faire, tu restes aussi concentré. Ce sont des moments assez spéciaux.
Vous aviez un lien fort avec Jeanne Moreau avec qui vous aviez tourné Le Temps qui reste de François Ozon. Accepteriez-vous de nous dire un mot à son sujet ?
C’était quelqu’un qui avait une vraie curiosité, une exigence, une passion pour son métier, pour le cinéma, pour la découverte, qui était toujours en dehors des sentiers battus. Quelqu’un qui ne disait jamais la même chose que les autres, qui avait toujours un point de vue original, parfois assez radical. Elle n’avait pas la langue dans sa poche, elle n’avait peur de rien. Elle avait un côté hyper courageux, et même un peu provoc’ chez elle que j’aimais bien. Pas du tout lisse. C’était quelqu’un d’exceptionnel. C’est rare, les acteurs qui ont une carrière qui dure comme un chanteur. J’espère que les jeunes qu’elle aimait tellement continuent aussi à se pencher sur la personne de Jeanne Moreau, revoir ses films. C’était une icône.
La bande-annonce de La Belle et la belle de Sophie Fillières, avec Sandrine Kiberlain, Agathe Bonitzer et Melvil Poupaud, à l’affiche ce mercredi :
La Belle et la Belle Bande-annonce (2) VF