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Illucity, l’expérience en réalité virtuelle au coeur de Paris, ouvre ses portes

Illucity, une expérience en réalité virtuelle unique située dans le XIXe arrondissement de Paris, ouvre ses portes ce mercredi 12 décembre. L’occasion de revenir sur les lieux et de nous entretenir avec son directeur général, Nathan Reznik.

1. Nathan Reznik (gauche) et Jean Mizrahi, président d'Ymagis
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© Ymagis

C’est par un corridor garni de nains de jardins (!) équipés de lunettes de réalité virtuelle que l’on pénètre au coeur de l’espace Illucity, qui vient d’ouvrir ses portes. Un parc d’aventures en réalité virtuelle, conçu sur une surface de 1000 m²; ce qui en fait le plus grand de France mais aussi d’Europe à l’heure actuelle. Le choix de son emplacement, situé aux pieds de la Cité des Sciences et de l’industrie dans le 19e arrondissement parisien, ne doit évidemment rien au hasard. “Pour nous, le choix d’installer Illucity à Paris était essentiel. Pour des raisons de rayonnements d’abord. Ensuite parce que notre société est parisienne. Et surtout parce que l’espace de la Villette est un pôle culturel clairement identifié, et qui est en pleine restructuration. Le multiplexe Pathé par exemple, qui a installé des salles pour vivre des séances de cinéma en 4DX, le projet de la Géode aussi, qui est en pleine réhabilitation… Donc nous voulions nous inscrire dans cet écosystème là” nous expliquait Nathan Reznik, directeur général d’Illucity.

L’espace est lumineux, acceuillant. Ca et là, des bornes d’arcade Neo Legend et leurs plus de 600 jeux vidéo rétro, attendent patiemment le client qui se débarrasse de ses affaires dans des casiers, avant de s’engouffrer dans l’espace dédié à la réalité virtuelle, au sous-sol. Simulations spatiales comme Space Flight ou Far Reach, dans lequel le joueur, sanglé sur un siège dynamique D-Box et casque vissé sur la tête, a l’impression d’être à bord d’un vaisseau propulsé contre les astéroïdes ou à bord d’une fusée au décollage; simulation de conduite avec Project Cars 2 aux sensations assez dingues; affrontements de hordes de zombies flingues à la main; croiser le fer en armure au temps des Croisades avec Knightfall, développé d’ailleurs par un studio bien connu des gamers, Starbreeze, à qui l’on doit notamment le carton vidéoludique Payday 2; un Escape Game signé par Ubisoft, qui projette les joueurs au coeur d’une pyramide toute droit sortie d’Assassin’s Creed : Origins; ou, plus calmement, des courts métrages comme Tara et Out of The Blue, immergeant le spectateurs en VR dans les récifs coraliens de Papouasie… Bref, les activités proposées sont très nombreuses. Que l’on soit un Gamer né amateur de sensations fortes, ou simple curieux désirant vivre une expérience en VR pour la première fois, le catalogue de programmes proposés est largement capable de convenir à tous et à toutes.

Nous avons logiquement profité de cette présentation des lieux et des différentes activités proposées pour nous entretenir avec Nathan Reznik, qui nous a longuement exposé cet ambitieux projet.

AlloCiné : Pouvez-vous vous présenter et présenter votre société ?

Nathan Reznik : Je suis le directeur général d’Illucity, et je travaille pour le groupe Ymagis. C’est un acteur de l’industrie du cinéma, qui offre des solutions pour ce secteur. On a d’abord la vente de matériel aux exploitants de salles et son installation. L’autre volet, c’est le laboratoire Eclair, société de post-production des films, qui est d’ailleurs un des plus vieux laboratoires au monde. Jusque-là, on avait un modèle B2B, puisqu’on travaillait avec les distributeurs, producteurs, exploitants de salle de cinéma, ect. Depuis quelques années, le groupe essaie de diversifier ses activités, alors même qu’on est sur des marchés assez concurrentiels. On a créé au sein de la société un incubateur, qui s’appelle Ymagine, qui permet à des personnes du groupe de porter des projets de diversification. C’est là que j’ai proposé au groupe de développer son activité dans la réalité virtuelle, partant du constat qu’il se passe vraiment quelque chose dans ce domaine. Cela fait deux ans maintenant. La Presse en parlait de plus en plus; elle annonçait carrément que tout le monde ou presque serait équipé d’un casque en 2018. Evidemment on s’est vite rendu compte que ca n’était pas le cas. Cela dit, on s’est rendu compte que de plus en plus de lieux dédiés à la VR ouvraient, et que les gens y allaient. Dans l’attente d’un taux d’équipement dans les foyers plus élevé, ces salles prospéraient plutôt bien et faisaient office de bon palliatif. Nous nous sommes rendus dans ces salles aux quatre coins du monde pour les tester. Et on s’est vraiment pris une claque, alors même qu’on était encore au début du support. Il y avait certes plein de choses qui n’allaient pas encore, pas mal de critiques, mais l’expérience offerte était assez incroyable malgré tout. Le potentiel était énorme. Or le constat, c’est qu’il n’y a pas pour l’heure là-dessus d’exploitant qui a une dimension nationale, et très peu au niveau international. Dès lors, le groupe Ymagis était tout indiqué selon nous pour devenir un exploitant de parc d’aventures en VR.

Illucity – les expériences

Comment est venu ce nom d’Illucity d’ailleurs ?

Ca c’est un travail fait avec notre agence, Productman; une agence spécialisée dans le Design d’expériences client. C’est eux qui ont réfléchi à l’identité que l’on souhaitait avoir. Ce nom s’est assez vite imposé finalement. La réalité virtuelle, c’est quoi ? Une illusion. Illucity, c’est la ville de l’illusion. Cette idée d’illusion est d’ailleurs au coeur de toute la scénographie conçue par l’agence. On tenait à ce que le client vive une expérience dès le moment où il franchit la porte d’entrée, et pas seulement au moment où il met un casque de VR.

Quelles sont les différents types d’expériences proposées ?

Le lieu a été conçu autour de 4 catégories d’expériences. La première, ce sont les expériences d’hyper-réalité. Ici, on est sur des jeux qui ont besoin d’une surface importante. Se déplacer dans une pièce de 100 m² ou 20m² sont des expériences très différentes. La sensation de liberté est accrue. A côté de ça, il y a les Escape Games. Il y a un vrai phénomène d’ampleur là-dessus en France, en Europe et même dans le monde. C’est une activité qui plaît beaucoup aux français. Là-dessus, l’apport de la VR permet de repousser le champ des possibles. La 3e catégorie est le jeu d’arcade. L’idée ici est de proposer des sessions plus courtes, là où un Escape Game peut faire de 45 à 60 min. le jeu d’arcade est parfait pour les novices qui veulent appréhender une expérience VR; elle coûte moins cher aussi. Enfin la dernière expérience proposée est du film sous forme de courts-métrages, avec évidemment un gros héritage venu du cinéma.

Je pense que le casque VR fera tôt ou tard sa rentrée dans les foyers. Je pense que le tournant arrivera de la même manière que celui avec l’arrivée des smartphones.

Qu’en est-il du Motion Sickness dont on a pas mal parlé à propos de la VR ? Comment avez-vous géré ou pris en considération cet aspect dans les différentes activités que vous proposez, par exemple sur le temps de jeu ?

En fait et pour clarifier, le Motion Sickness ne vient pas de la durée du jeu, mais de la qualité du contenu. Un jeu qui est bien fait, bien pensé, avec des sensations physiques, grâce notamment avec ce que l’on appelle les retours haptiques [NDR : Par analogie avec l’acoustique ou l’optique, l’haptique désigne la science du toucher. Ainsi, une interface haptique reproduit des sensations de toucher réelles sur une interface tactile via un mode de vibration. Cela permet par exemple de simuler la présence de touches ainsi que leurs caractéristiques, comme le relief ou la sensation de pression], ne doit pas perturber l’oreille interne. Tout ce qu’elle va perçevoir va être en cohérence avec ce que nos yeux perçoivent et ce que l’on ressent physiquement. Ca c’est très important, parce que c’est justement ce qui atténue le phénomène de Motion Sickness. Par exemple, si vous faites une simulation de conduite de voiture en VR ou un jeu type Roller Coster sans vibrations, tout le monde est malade. En revanche si ces vibrations sont présentes, très peu de personnes deviennent malades. Pourquoi ? Parce que ce que vous voyez est cohérent par rapport à ce que vous ressentez. Au-delà de ça, il y a aussi une question de sensibilité personnelle. On a fait beaucoup de Bêta Test, pour voir comment les gens allaient réagir; et nous n’avons eu aucun malade sur nos activités.

Game In Ciné Emissions d'Actu

Quels sont les studios de développement avec lesquels vous avez travaillé ?

Nous avons beaucoup de studios français, comme Ubisoft notamment, qui a développé un escape Game, Assassin’s Creed : Escape the Lost Pyramid  [NDR : une expérience de 50 min environ], qui prend place dans le monde du jeu Assassin’s Creed: Origins. Il y a un vrai savoir-faire dans ce domaine en France sur le jeu vidéo et l’animation. Beaucoup de start-up se sont lancées il y a 2-3 ans dans la VR. Je pense notamment au studio Back Light, Smart VR, Inner Space VR. Ce sont des studios au savoir-faire reconnu au niveau international.

Pourquoi ne trouve-t-on pour le moment que des courts voire moyens-métrages développés pour la VR ?

Pour des raisons de budgets avant tout. Comme il n’y a pas encore derrière de marché développé pour des longs-métrages en VR, les producteurs se financent avant tout grâce à des aides apportées par exemple par le CNC, ou des chaînes comme Arte. Les contenus en VR génèrent encore peu de revenus, ce qui limite de fait les budgets.

Quels est la position des Majors sur la VR ? On a l’impression qu’elles sont intéressées, mais conçoivent avant tout la VR comme un complément marketing aux longs-métrages avant tout…

Je constate que les studios sont curieux. Ils ont envie d’y aller, proposent justement à des studios de faire des contenus autour de leurs IP. Ca concerne effectivement le plus souvent une animation marketing qui accompagne la sortie d’un film. Car ce qui reste avant tout rentable pour elles, c’est le film, tandis que l’expérience VR proposée en marge est offerte. Cela dit, les Majors restent très prudentes encore, notamment parce qu’elles ne veulent pas prendre le risque d’abîmer une IP en proposant une expérience déceptive.

On commence à voir certains films américains qui sont post-produits en utilisant des moteurs de jeux. C’est vraiment quelque chose à suivre, parce qu’elle est de nature à révolutionner la manière dont un film est post-produit.

Avec la VR, et même si l’expérience est encore perfectible, on est un peu finalement dans l’hybridation fantasmée par beaucoup entre le jeu vidéo, medium interactif par excellence, et le cinéma, qui ne l’est pas. Ca ouvre un champ des possibles vraiment intéressant.

C’est vrai, c’est ce qui rend ce medium fascinant, en tout cas pour moi. Qui n’a pas rêvé par exemple de vivre à la première personne une scène d’un film de SF, un jeu vidéo ? La réalité virtuelle permet de faire cela. On peut même commencer à ressentir des sensations, avec ce dont je parlais avant, les retours haptiques. Le spectateur devient vraiment acteur.

Côté réalisateur d’ailleurs, certains commencent à s’emparer un peu de la VR avec talent, comme a pu le faire Alfonso Cuaron, qui avait présenté au Festival de Cannes un court de 6 min, “Carne y Arena”. On sait aussi que ca intéresse Terrence Malick, Robert Rodriguez vient d’en faire un… Il y a un frémissement, mais ca reste encore timide. Quel est votre avis ?

Je citerait aussi Gaspar Noé et Darren Aronofsky qui s’y sont mis ! Je pense que ca viendra de plus en plus. Je pense aussi à Neill Blomkamp, qui a fait beaucoup d’essais à partir d’un moteur de jeu baptisé Unity. Les possibilités sont énormes, parce qu’on se rend compte que cela permet une toute nouvelle manière de produire un film. C’est un processus qui n’a plus rien à avoir avec ce que l’on connaissait avant. Tout est en temps réel, ca permet de changer beaucoup de paramètres à la volée. J’ai vu le projet de Neill Blomkamp justement, où on faisait la post-production. Il nous montrait la post-production de tout ce qui avait été créé. Et on pouvait changer le visage d’un personnage, ses habits, ect… Le tout dans une scène de cinéma, et en temps réel ! C’est fascinant ! D’ailleurs on commence à voir certains films américains qui sont post-produits en utilisant des moteurs de jeux. C’est vraiment quelque chose à suivre, parce qu’elle est de nature à révolutionner la manière dont un film est post-produit. Je ne parle pas d’un horizon de deux ans cela dit, mais plutôt dix. Je suis persuadé qu’avec un tel procédé, la manière de post-produire un Blockbluster n’aura plus rien à avoir avec ce que l’on fait jusqu’à présent. Par exemple vous pouvez modifier tout l’éclairage et donc la lumière d’une scène; rien que ça va complètement changer le métier de chef opérateur. en post-production actuelle, on est limité. On peut mettre des nuances bien sûr, mais on ne peut pas changer complètement des éléments comme ça.

Vous croyez à la démocratisation des casques de VR pour les particuliers ?

Je pense qu’il fera tôt ou tard sa rentrée dans les foyers. Je pense que le tournant arrivera de la même manière que celui avec l’arrivée des smartphones. Avant, avec votre portable, vous pouviez appeler bien sûr, envoyer un sms, ou jouer au jeu du serpent. Et un jour, en 2007, Apple a sorti de sa besace l’Iphone, qui vous a permis d’écouter de la musique, regarder des films, jouer, lancer des applications, d’aller sur Facebook, d’envoyer des emails, ect. Le device a complètement changé l’usage. Pour la VR, on aura exactement la même chose. Un jour, un fabriquant va proposer LE casque qui va fondamentalement changer les usages. On l’utilisera pour aller sur Facebook, regarder un film, appeler quelqu’un, consulter Google, ect. Il y a déjà des démonstrations très impressionnantes effectuées sur des casques de réalité augmentée. J’ai assisté à une présentation où une personne utilisait un ordinateur totalement dématérialisé avec ce procédé. C’est bluffant ! Comme toujours, la question est quand est-ce que cela arrivera. Je n’ai évidemment pas de boule de cristal pour le dire. Il y a eu des prévisions faites, très et même trop ambitieuses, parce qu’il y avait ce phénomène de “hype” autour de la VR. Il faut quand même savoir que les technologies arrivent d’abord dans les entreprises avant d’arriver chez les gens. J’ai un exemple très récent : il y a 3 semaines, la chaîne de grande distribution US Wallmart a acheté 17.000 casques VR de marque HTC pour former son personnel.

Je reviens à Illucity. D’un point de vue pratique, comment font les clients pour venir jouer ici ? Ils doivent réserver ?

Ce qu’on privilégie, ce sont les activités de groupes, collectives. Quand on veut faire un Escape Game par exemple, on réserve un créneau horaire. On a un site web qui permet de réserver son créneau. A côté de ça, tous les jeux d’arcades -les jeux individuels notamment- auxquels on souhaite jouer peuvent s’acheter sur place. Nous proposons aussi sur internet des packs pour découvrir les différentes expériences VR, comme le pack sensation, nature, découverte ou animation. On peut accueillir ici 33 joueurs simultanés, mais comme les différentes activités n’ont pas la même durée, on peut accueillir en période de pointe jusqu’à 150 personnes par heure, grâce notamment aux jeux d’arcades, qui ont un turn over plus important.

Pour les réservations en ligne et consulter toutes les informations sur Illucity, tout est disponible à cette adresse.