La ligue du lol a mis en lumière les pratiques d’un cyberharcèlement organisé. Si aucun film ou série n’a imaginé une telle mutualisation des efforts, des œuvres ont néanmoins choisi d’aborder frontalement le sujet.
Vendredi dernier, le service Check News pour Libération mettait en lumière l’existence d’un groupe Facebook secret, autoproclamé Ligue du lol, dans lequel des journalistes de grandes rédactions organisaient des campagnes de cyberharcèlement. Une information qui a largement retenti au point de voir les premières réactions de leur direction le lundi suivant, mettant à pied à titre conservatoire les journalistes incriminés. On ne mesure pas encore très bien le degré de nuisance que peut provoquer le cyberharcèlement. A l’image de l’affaire Weinstein, des témoignages de victime émergent, mettant en lumière des pratiques abjectes. La loi française s’est récemment penchée sur ces délits. Il faut attendre le 6 août 2014 pour que cette pratique soit reconnue comme un délit. La prescription est de six ans depuis 2017.
Sur le front des séries
La fiction s’est montrée plus active sur le sujet, n’hésitant pas à s’emparer d’histoires tragiques. Des histoires recréés de toute pièce ou s’appuyant sur des faits réels qui se multiplient de plus en plus. C’est même devenu un sujet majeur du côté des oeuvres pour adolescentes. Aux Etats-Unis, il faut bien évidemment compter sur 13 Reasons Why. La série américaine, adaptation du roman de Jay Asher, a choisi des images chocs et un dispositif programmatique pour alerter, mettre en garde et révéler les dangers que posent les intimidations répétées et un harcèlement devenu technologique. Attaquée pour sa violence trop explicite, chaque épisode de la seconde saison s’est accompagné d’un message préventif dans lequel les acteurs principaux sensibilisent leur audience sur les signaux qui alertent un cyberharcèlement, que vous soyez victime ou témoin. A ces quelques mots s’ajoutent un numéro de téléphone qui invite les personnes harcelées à se confier, à recueillir de l’aide afin de minimiser les issues tragiques.
En France, la seconde saison de SKAM, adaptation d’un format norvégien, voit Manon subir un cyber-chantage qui la menace de dévoiler des photos d’elle dénudée. Les auteurs choisissent une approche très pragmatique, mettant sur les lèvres d’une adolescente des portions de texte de loi, des informations précises sur ce qu’encourt une personne s’abaissant à ce genre de délit. SKAM assume ainsi sa part pédagogique, traitant de faits de de société avec recul mais en conservant une hauteur lycéenne.
L’épisode Hated in the nation (3×06) de Black Mirror imagine un hashtag meurtrier sur une plateforme ressemblant à Twitter. Cyberharcèlement et haking sont au programme de la série à l’anticipation inquiète. URL, Interrupted de CSI Cyber (1×07) imagine une victime se retourner contre ses bourreaux en utilisant leurs armes. Pretty Little Liars ou Glee ont également abordé le sujet, de façon plus ou moins inspirée et pas forcément avec les mêmes intentions.
Un cinéma très timide, une télévision plus active
Au cinéma le sujet est plus rare comme si le septième art ne voyait pas au-delà de l’aspect film à message, suivi d’un débat. On trouve peu d’exemples de films embrassant ce thème. A Girl Like Her de Amy S. Weber utilise la mécanique du found footage pour raconter l’histoire tragique d’une jeune fille de 16 ans qui a tenté de se suicider.
A la télévision en revanche, les téléfilms sont plus nombreux, assumant une mission de sensibilisation. Le mur de l’humiliation (Cyberbully en vo) réalisé par Charles Binamé raconte l’histoire de Taylor Hillridge, 17 ans, victime de cyberharcèlement. Produit par ABC Family et Seventeen Magazine, l’oeuvre s’inscrit dans la campagne « Delete Digital Drama » qui lutte contre le cyberbullying. L’actrice Ashley Benson ou la chanteuse Ariana Grande ont apporté, ti-shirt à l’appui, leur soutien. Lenalove est un téléfilm allemand racontant l’histoire de l’introvertie Lena, victime de la violence d’une camarade d’école et trouvant un échappatoire dans les réseaux sociaux. Florian Gaag, son réalisateur, cherche ainsi à sensibiliser les parents sur l’usage des pratiques numériques de leurs enfants.
Sur Netflix, le documentaire Audrie & Daisy raconte l’histoire vraie de deux filles, victimes d’agression et de cyberharcèlement. Projeté lors du festival de Sundance en 2016 avant d’être acquis par le géant du streaming, le film exploite la perversité des réseaux sociaux face aux victimes. Interrogée par le San Francisco Chronicle, la co-réalisatrice Bonni Cohen explique : « L’histoire de Daisy Coleman faisait la une. C’était une histoire nationale et internationale auquel nous nous sommes intéressés. Comment cette ville s’est retournée contre ces filles et leurs familles. C’était comme une version moderne de La Lettre Écarlate ».
En France aussi, c’est à la télévision que l’on trouve les exemples les plus marquants. Marion, 13 ans pour toujours ou Le jour où j’ai brûlé mon coeur exploite des drames bien réelles de victimes d’harcèlement scolaire. Le danger des réseaux sociaux, la cruauté des adolescents sont mis en exergue dans des oeuvres qui manquent parfois de mesure mais qui auront apporté leur lot d’émotion brute.
Le point commun à toutes ces oeuvres reposent sur l’association quasi exclusive qui lie le cyberharcèlement et la jeunesse. Seul le court-métrage de Marion Séclin, Les Impunis, explore un monde adulte selon le modèle de Sweet Vicious (deux adolescentes vigilantes sur le campus qui punissent des agresseurs sexuels passés entre les mailles du filet de la justice). En un peu plus de vingt minutes, le court affiche les différentes formes de cyberharcèlement (insultes répétées, menaces, revenge porn,…). Ce n’est pas la première fois que Marion Séclin exploite le sujet, elle était déjà l’auteure d’une conférence TED sur cette thématique, mise en ligne fin 2017.
Une fiction dépassée ?
L’actualité nous montre très souvent que la réalité dépasse la fiction. Aucune oeuvre n’avait été capable d’anticiper une pratique aussi mutualisée et organisée. Car si le cyberharcèlement cristallise l’attention, on peut remarquer à travers les nombreux exemples qu’on est dans une logique de réaction. La démarche intellectuelle rapporte des faits et témoignages vécus mais aucun film ni aucune série n’ont cherché à dépasser cette fonction pour oser aller plus loin. A la lutte qui oppose réalité et fiction, la première a encore gagné.
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